Martin Gallié & Julie Verrette
Abstract
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 23% des décès dans le monde sont attribuables à des risques « environnementaux modifiables ». Ils peuvent donc être prévenus. L’insalubrité des logements (qualité de l’eau, de l’air, isolation, etc.) constitue l’un de ces risques qui touche, de manière disproportionnée, les catégories sociales les plus pauvres de la société. Dans ce contexte, cet article poursuit comme objectif de questionner la portée de l’une des principales dispositions légales adoptée pour lutter contre l’insalubrité, et qui fut qualifiée au début des années 1970 comme une « révolution du droit des locataires », la garantie d’habitabilité. À cette fin, ce texte retrace le parcours judiciaire des victimes de moisissures – le problème de salubrité le plus répandu au Québec selon la Direction de la santé publique de Montréal – qui décident de « mobiliser le droit » et de recourir au tribunal. Ce parcours judiciaire, documenté à partir d’une analyse statistique et qualitative de la jurisprudence, met en lumière l’inadéquation entre les mécanismes juridiques dont disposent les justiciables et l’objectif objectif poursuivi, à savoir la lutte contre l’insalubrité. Ainsi, bien que les locataires réussissent à « accéder à la justice » (à signifier le problème au propriétaire, à recourir au tribunal, à être représentés par avocat, à obtenir la sanction du propriétaire), l’ampleur des démarches précontentieuses entreprises et requises par le tribunal, les limites des services publics d’inspection, les exigences de la jurisprudence en termes de preuve et les délais précontentieux et judiciaires rendent le recours au tribunal largement inutile d’un point de vue de santé publique. Sauf exception, le système judiciaire ne permet ni de prévenir les risques de l’insalubrité ni d’obtenir l’exécution des travaux nécessaires. Les locataires ne s’y trompent pas et seule une infime minorité d’entre eux recourent au tribunal pour faire valoir ses droits. L’incapacité du tribunal à répondre aux besoins élémentaires des vic- times d’insalubrité oblige alors à déplacer l’angle de la discussion sur l’accès à la justice et le non-recours au tribunal. Alors que cette discussion reste principalement centrée sur le manque d’offre de services juridiques (en matière d’informations, de représentation, de médiation, etc.), cet article souhaite, quant à lui, mettre l’accent sur les dysfonctionnements des mécanismes publics et de la justice civile.
According to the World Health Organization (WHO), 23% of deaths worldwide are attributable to “modifiable environmental” factors. They are thus preventable. Insalubrious housing conditions (poor air and water quality, isolation, etc.) constitute one such risk that disproportionately affects individuals from the lowest socioeconomic classes of society. Against this background, this article calls into question the scope of one of the main legal provisions adopted to combat insalubrious housing conditions –and which was viewed in the early 1970s as a “revolution in tenants’ rights” – namely, the warranty of habitability. To this end, this article reviews legal cases involving victims of mold, the most widespread sanitation issue in the province of Québec according to the Direction de la santé publique de Montréal. A statistical and qualitative analysis of the jurisprudence highlights an inadequacy between the legal recourses available to litigants and the objective of fighting against insalubrity. That is, even if tenants succeed in gaining “access to justice” (i.e., by serving notice of an issue on the owner, by going to court, by being represented by a lawyer, by having sanctions enforced against the owner), there are significant barriers which make recourse to the courts largely futile from a public health perspective (i.e., the extent of the pre-trial procedures undertaken and required by the courts, limitations of the public inspection services, evidentiary requirements, pre-trial and trial delays). Indeed, in most cases, the justice system fails to both prevent the risks associated with insalubrious housing and to obtain execution of the necessary repairs. Consequently, only a small minority of tenants go to court to assert their rights. The court’s failure to meet the basic needs of victims of insalubrious housing compels a shift in the focus of this discussion towards access to justice and the non-use of court. While the discussion remains primarily centred on the lack of legal services (with regard to information, representation, mediation, etc.), this article seeks to highlight the shortcomings of the public services and of the civil justice system.